J'ai été agent secret au service de Staline

Général W.G. Krivitsky

Walter Krivitsky (1899-1941), né Samuel Ginsberg en Galicie, fut l'un des plus hauts responsables du renseignement militaire soviétique avant sa spectaculaire défection. Entré très jeune dans les services secrets, il opéra sous diverses identités en Allemagne, France, Italie, Autriche, Espagne et aux Pays-Bas, supervisant vols de plans militaires, interceptions stratégiques et livraisons d'armes aux républicains espagnols. Devenu en 1937 chef du renseignement soviétique en Europe occidentale, il travaillait depuis La Haye sous couverture d'antiquaire.

Les grandes purges de Staline et l'assassinat de son ami Ignace Reiss le poussèrent à rompre avec Moscou. Réfugié à Paris puis aux États-Unis, il publia en 1939 In Stalin's Secret Service, dénonçant les méthodes staliniennes et anticipant le pacte germano-soviétique. Ses révélations, transmises aux services américains et britanniques, suscitèrent autant d'intérêt que de controverses sur leur portée exacte.

Installé à Washington, il témoigna devant le Comité Dies sur les activités communistes et livra des informations cruciales au MI5. Mais sa vie prit une tournure tragique : retrouvé mort en 1941 dans un hôtel, l'affaire fut classée en suicide, bien que la thèse de l'assassinat par le NKVD reste largement évoquée. Sa veuve Antonina et leur fils Alek vécurent dans la précarité aux États-Unis. Alek mourut prématurément, tandis qu'Antonina survécut jusqu'en 1996.

Krivitsky demeure une figure emblématique de l'histoire de l'espionnage : officier de premier plan devenu dissident, il incarne à la fois la complexité et le prix humain du combat contre le totalitarisme soviétique. Son témoignage, mêlant expérience vécue et analyse géopolitique, reste une source majeure pour l'étude des services secrets et de la diplomatie clandestine du XXe siècle.