Il y a des lieux qui portent les hommes autant qu' ils les écrasent. Le Jura est de ceux la. Une terre de pierre, d'eau froide et de silence. Une terre de travail, de transmission, de secrets enfouis sous la mousse et les racines. Au dessus de Champagnole, le Mont Rivel veille depuis toujours. Massif, immobile, presque vivant. On dit qu' il protège. On dit aussi qu' il n oublie rien.
Été 1964. Deux frères jumeaux, Louis et Gabriel, grandissent au pied de la montagne. L'un rêve, l'autre observe. Ils vivent dans l'ombre d un père mineur, dans les silences d'une mère dure, dans le poids invisible des attentes. Ils longent la rivière, parlent de départ, d'amour, d'avenir. Ils ignorent encore que la montagne écoute.
Le jour ou le Mont Rivel s effondre, une vie s'arrête. Et une autre bascule a jamais. Dans la poussière, le chaos et la douleur, une identité se trouble. Un nom change de camp. Un survivant hérite d'une vie qui n est pas la sienne. A partir de là, le réel se fissure. Les morts ne reposent plus tout à fait. Les souvenirs deviennent des pièges. La culpabilité s infiltre dans chaque geste.
Au fil des jours, le Jura se transforme en théâtre invisible. La rivière semble murmurer, la foret observe, la montagne respire. La légende de la Vouivre, vieille créature des eaux jurassiennes, s'invite dans le quotidien comme un rappel brutal a la vérité. Car ici, on peut mentir aux hommes, mais jamais à la terre.
Le Silence du Mont Rivel est un roman de racines et de chair. Un drame familial, une tragédie intime, un récit de transmission et de faute. C est l histoire d un enfant qui survit la ou il n aurait peut être pas du. D'un pardon impossible. D'une terre qui garde les empreintes. Et d'un silence plus lourd que le mensonge.
Un roman jurassien profond, ou la montagne devient un personnage, ou l eau garde la mémoire, et où chaque secret réclame un jour son prix.
Né au pied des montagnes jurassiennes, l'auteur écrit comme on respire quand l'air manque. Il n'est pas issu des salons littéraires, mais des couloirs, des nuits longues, des silences lourds de sens. Brancardier de métier, il a appris à porter les corps avant de porter les mots. De cette traversée quotidienne de la souffrance humaine est née une écriture brute, sensible, profondément incarnée.
Le Jura n'est pas pour lui un décor : c'est une mémoire vivante. Champagnole est sa racine, le Mont Rivel son témoin, les forêts son refuge, l'Ain son miroir. Chaque pierre, chaque brume, chaque sentier nourrit ses récits. Il écrit avec la terre, avec l'eau, avec les absents. Chez lui, la montagne regarde les hommes creuser, tomber, aimer, mentir, survivre. Elle écoute. Elle se souvient.
Son écriture est minérale et charnelle à la fois. Elle sent la mousse, la pluie, le métal, la fatigue humaine. Elle donne voix aux taiseux, aux ouvriers, aux pères usés, aux mères de pierre, aux enfants trop lucides. Il n'écrit pas pour plaire, mais pour témoigner. Pour que les silences deviennent audibles. Pour que les drames enfouis trouvent enfin un souffle.
Refusé parfois, ignoré souvent, il a fait de chaque mur une force. Il transforme l'échec en feu, l'abandon en moteur. Son univers navigue entre réalisme social, fantastique intimiste et légendes du Jura. Chez lui, le surnaturel n'est jamais gratuit : il est le visage visible des fractures humaines.
Il écrit aussi pour ses enfants. Pour transmettre une trace. Pour qu'ils sachent d'où ils viennent. Pour qu'ils comprennent que même dans la nuit la plus dense, il reste toujours un passage vers la lumière.
Tant que le Jura respirera, tant que la brume tombera sur les vallées, ses mots continueront d'y marcher, discrets, fidèles, indélébiles.
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