Raya Rubinstein a été éjectée à sa naissance. Ceci est à préciser en tout premier lieu car cette éviction justifie le récit. Et a conditionné toute sa trajectoire. Elle fut reléguée à la campagne où elle demeura huit ans durant chez une nourrice, sans une visite, sans une lettre, en triomphant d’une angine à streptocoques en dépit de l’insalubrité de l’isba et de l’absence de thérapeutiques. En 1904, fatiguée, la nourrice la ramena chez ses parents où elle ne fut pas la bienvenue. Décidée toutefois à se forger une place au sein d’un univers hostile, elle alla jusqu’à entamer une grève de la faim pour se voir scolarisée. Devant les murmures de la ville les parents cédèrent. Elle est née en 1896 à Bialystok, ville polono-russe axée sur le textile où son père, ayant voué son existence à l’usine qu’il dirigeait, attendait impatiemment un fils. Raya fut la troisième fille. Une existence de mal aimée, des années d’humiliations et de luttes pour survivre. Le temps passait ; malgré son intelligence et sa beauté elle voyait se profiler le statut de vieille fille désargentée. Jusqu’à ce qu’en 1924 sa route vînt à croiser celle de Meyer Pernik qui la voulut avec ou sans dot. La détestation dont elle était l’objet les poussa à émigrer et en 1928 ils débarquèrent à Paris. Ce furent les années bonheur, elle devint maîtresse de maison, hôtesse, patronne, et par-dessus tout mère puisqu’en 1930 elle mit au monde un être à aimer, SA fille. A laquelle elle donna sans compter son temps, ses forces, ses biens, sa complicité, son honneur, un amour démesuré assorti d’une exigence démesurée, exclusive, dont son enfant chercha parfois à s’évader jugeant le tarif exorbitant. Toutefois, la force du lien qui les unissait rend légitime la présence quasi constante de son enfant dans ce qui représente sa biographie. Sa famille ayant péri en déportation à Bialystok, elle fut la seule à survivre à la deuxième guerre mondiale de sorte que le rejet qu’elle avait subi lui sauva paradoxalement la vie. Elle mourut en 1989, dans sa quatre vingt quatorzième année, laissant derrière elle la famille à laquelle elle avait aspiré.
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