Ceci n'est pas un livre d'Histoire. C'est un livre d'histoires au pluriel. C'est moi debout face à ces histoires. C'est un face à face entre eux, ces disparus, cette horreur et moi, écrivant. J'ai voulu dialoguer avec eux, ici, maintenant. C'est parti d'un réel besoin, individuel et politique sans prétendre à aucune vérité. C'est ce que je devais faire. C'est tout. Je crois, avec d'autres, que ce génocide central du XXème siècle est sans commune mesure dans l'histoire de l'humanité et qu'à ce titre, en tant qu'artiste, je deviens témoin des témoins. Re-transcrire. Ré-ordonner en désordonnant aussi. Peut-être me fallait-il violenter la violence ellemême, pour lui extirper autre chose que ce qu'on comprend ou ressent immédiatement. Lui résister, à cette violence des faits, pour en réchapper et offrir d'autres possibles par des phénomènes de renversement. Pour le présent, c'est la même chose. Tout au long du travail qui a commencé en 1994, ce furent tour à tour ou parallèlement, la Yougoslavie, le Rwanda, l'Algérie et évidemment beaucoup d’autres événements. Il s'est agi de re-transcrire les perceptions de toutes ces réalités mêlées, mêlées aussi avec ma propre histoire, soit tout ce qui se passe dans la vie de chacun en fonction de ses activités physiques et psychiques. Ça s'entrecroise. C'est en mouvement. C'est un mouvement incessant d'affleurements et de retraits. Chris Meunier
De ce temps-là à ce temps-ci le livre se déplie, s'invente, s'architecture. Cinquante-deux livrets composent VOIES ACCORES, correspondant aux cinquante-deux semaines d'une année. Ces livrets rassemblés forment un tout saisissant où l'Histoire, le récit, le témoignage, l'actualité, le poème, la photographie se frottent, se superposent, se font face, se questionnent. Un cénotaphe où l'excès de ténèbres / l'excès de lumières provoque les yeux, la tête, les jambes… et révèle la présence d'absences. Aujourd'hui. Pour demain. Ce qui s'est passé hier. Où se situer dans les langues et leur vocabulaire ? Inventer d'autres mots ou se contenter de ceux qui existent ? Ces expériences engagent l'artiste, l'auteure, à trouver sa propre parole dans le désir de transmettre à son tour. Le livre alors se crée. Jean-Christophe Vermot-Gauchy
Après des études d’anglais, Chris Meunier travaille plusieurs années dans l'enseignement public. La naissance successive de ses trois enfants vient interrompre son parcours professionnel. Elle intègre l'ENBA de Lyon en septembre 1982 et en sort diplômée en 1988 (DNBA, option Art). Ses travaux de plasticienne en rapport spécifique avec une réflexion sur le langage la conduisent de toute évidence à l'écriture. Elle initie à l'art contemporain des classes d’école primaire au sein de bibliothèques publiques et d’associations municipales où elle crée aussi un atelier de bande dessinée ; elle anime des ateliers d'arts plastiques en hôpital de jour. Elle collabore avec plusieurs compagnies de théâtre en tant que plasticienne, photographe et vidéaste.
En 1994, après la lecture de l’œuvre du poète Edmond Jabès, Chris Meunier commence un projet d’écriture dont le thème central est la Destruction des Juifs d’Europe. Ce sera le début de \"Voies accores\". Il lui faudra alors treize années pour réaliser et terminer ce travail.
En 1999, l’auteure assiste au séminaire “l’Art et la mémoire des camps - Représenter exterminer”, à la Maison des Enfants d’Izieu. En 2000 elle obtient une bourse qui lui permet de participer à un voyage d’étude en Pologne organisé par la Maison des Enfants d’Izieu, en compagnie d’historiens, d’enseignants, d’artistes et de deux survivants des “Sonderkommandos” dont les témoignages sont exceptionnels et impressionnants. Entre autres lieux parcourus : les vestiges du ghetto de Varsovie ; les camps d’extermination de Belzec, Sobibor et Auschwitz-Birkenau ; le cimetière juif Remuh et le quartier de Kazimierz à Cracovie .
Son travail d'écriture et de plasticienne, à ce jour, restent intimement liés. “Voies accores” en est un exemple privilégié où langue, mise en page, graphisme et photographie travaillent à la mise en œuvre de cette intimité.
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