Claude Coja
Durant plus d'un demi-siècle, j'ai arpenté les mondes non en touriste, mais en habitant multiple, immergé dans les rythmes et les silences du Maghreb, du Moyen Orient, de l'Afrique, de l'Amérique du Sud, de l'Asie. Ces terres ne m'ont pas seulement offert des paysages : elles m'ont transmis des regards, des gestes, des langages de l'âme. Mes pas ont croisé les premiers pas de l indépendance de l Algérie, de Mai 68 à Paris, le 25 avril à Lisbonne, la lente et vibrante renaissance démocratique du Brésil. Autant de secousses qui m'ont façonné : témoin engagé, parfois fragile, toujours en éveil. Trente-trois années au Brésil m'ont ancré dans une autre manière d'être au monde. J'y ai appris la patience du rythme tropical, la violence feutrée des hiérarchies invisibles, et l'immense tendresse des marges. Ce pays m'a couvert comme une seconde peau, tendre et rugueuse à la fois, miroir d'un moi déplacé. Mes voyages se sont faits matière d'écriture, de poésie, fil conducteur d'une quête obstinée : observer l'humain, traquer le beau, chercher le vrai, même dans les plis les plus discrets du réel. Chaque rencontre, chaque lieu, chaque voix entendue a laissé sa trace. Aujourd'hui revenu en France, c'est cette mémoire vivante des ailleurs que j'essaie de transmettre dans les mots, dans les silences, dans une manière d'habiter le monde incertain, avec lucidité et chaleur.
Por mais de meio século, habitei o mundo não como turista, mas como alguém que se deixa atravessar pelos silêncios do Magrebe, pelos gestos da África, pelos ritmos da América do Sul e da Ásia. Encontrei Maio de 68 em Paris, o 25 de Abril em Lisboa, e vivi a lenta reinvenção democrática do Brasil, onde morei por trinta e três anos. Lá aprendi a doçura das margens, a violência sutil das hierarquias, o tempo tropical da escuta. Esses caminhos me fizeram escritor: busco o humano, o belo, o verdadeiro mesmo onde quase não se vê.
De volta à França, carrego uma memória viva dos outros. E tento, com palavras e silêncios, habitar o mundo com lucidez e calor.
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